Le but de mon dernier billet était de montrer ce qu’il était possible de faire dans une jeunesse de parti.
A présent, je vais m’étendre sur ce qu’il n’est pas possible de faire à la Jeunesse Socialiste (ou de manière plus générale dans une jeunesse de parti), mais pour pouvoir faire cela convenablement il va me falloir d'abord remonter un peu dans le temps.
Il y a 2-3 ans, en pleine crise économique et sociale, les gouvernements social-démocrates européens se convertissaient tous à l’austérité, condamnant les populations du sud de l’Europe au chômage et à la pauvreté. Mes maigres convictions politiques de l’époque s’écroulaient devant pareil spectacle et ma foi social-libérale (très conventionnelle) dans le capitalisme chapeauté d’un État-providence ne devait plus jamais s’en remettre. Du social-libéralisme au réformisme, du réformisme à la révolution, de la révolution à l’anarchisme, le fossé qui me séparait de la social-démocratie s’accrut ensuite progressivement.
J’ajouterais qu’on entend souvent que la social-démocratie suisse serait plus à gauche que la social-démocratie européenne, et si cela est vrai sur le papier programmatique (qui m’a longtemps illusionné), la réalité des pratiques de collaboration avec la droite dément gravement cette affirmation.
Voilà pour le cadre général, à présent, revenons-en au vif du sujet : mes échecs à la Jeunesse Socialiste.
Ma première tentative, après la conversion de ma section aux idéaux socialistes, consista à imaginer un projet d’union entre Jeunes Socialistes et représentants de l’aile gauche du Parti Socialiste. De cette idée naquit le Mouvement Socialiste Anticapitaliste (ensuite renommé par souci tactique Mouvement des idées socialistes), dont le but était d’organiser la gauche du parti pour lui permettre de faire face aux social-libéraux. La première étape de cette possible union consistait à rassembler les diverses Jeunesses Socialistes de Suisse romande dans le mouvement avant de commencer à prendre des contacts avec l’aile gauche du PS. Naturellement, les premiers contacts furent pris avec la JS vaudoise, la section la plus proche géographiquement de Genève. Et c’est avec stupéfaction que je découvris alors que les JS vaudois, non seulement se méfiaient du projet, mais en plus n’étaient pas vraiment socialistes… C’est là que je compris que les sections JS en Suisse romande étaient bien différentes de la section genevoise. Organisées avec des comités possédant de grands pouvoirs et des assemblées générales sans réelles compétences, ces sections se considèrent généralement comme des sous-sections des PS cantonaux, et leurs positions sont plutôt social-libérales. Ce premier échec m’ouvrit les yeux sur la réalité de mon parti au niveau romand. Plus tard, je devais aussi constater la faiblesse de l'aile gauche du PS.
Ma seconde tentative était une conséquence logique de mon premier échec au niveau romand. Puisqu’agir depuis l’échelle romande était impossible, je décidais d’agir directement au niveau fédéral. Cette tentative se traduisit par le dépôt de deux motions par ma section, l’une demandant que la JS suisse s’engage pour la sortie du PS du Conseil Fédéral et l’autre demandant que la JS suisse s’engage pour que le PS ôte de son programme sa demande d’une adhésion de la Suisse à l’Union Européenne. Alors que la motion sur l’UE allait être présentée à l’assemblée de nos camarades suisses, les membres de ma section firent le constat que seule une infime minorité de JS présents s’apprêtaient à nous soutenir et retirèrent la motion pour éviter un fiasco. Je découvris alors que les JS romandes n’étaient probablement pas l’exception, mais la norme au sein de notre parti. L’aile gauche de la JS suisse, 150 trotskistes réunis dans l’organisation Funke avec un cercle d’influence de 100 autres membres environ (sur 3000 à 3500 membres que compte la JS suisse), n’avait quant à elle pas l’intention de soutenir nos démarches unilatérales.
Ce second échec me fit prendre conscience du rapport de force qui existait au niveau fédéral, et de la marginalité des positions que nous avions adoptées à Genève.
Ayant échoué au niveau romand et fédéral, ne croyant plus en la social-démocratie, je me résignais à une troisième tentative concentrée sur Genève. Il s’agissait de rassembler les jeunesses de gauche du canton en un vaste mouvement de jeunes militants. Pour réaliser cela, je lançais l’idée d’une initiative cantonale commune. Si l’idée sembla avoir quelques succès auprès des différentes jeunesses de gauche au début, quelques réunions plus tard les jeunes de SolidaritéS se retirèrent du projet, tandis qu’il devenait évident que les Jeunes Vert-e-s et la Jeunesse Communiste n’existaient plus vraiment...
De ce troisième échec je constatai la faillite de mes diverses tentatives, et décidai d’explorer de nouvelles modalités militantes.