Bien qu'il y ait aujourd'hui une forme de quasi-consensus en faveur du subventionnement étatique des arts (caché pudiquement sous le nom desubventionnement de la culture), cet état de fait est en violation totale avec les principes libéraux et ne trouve aucune justification éthique ou philosophique valable. Au contraire, seul un marché libre des arts est capable de maximiser la créativité et le progrès artistiques, l'innovation et le caractère critique des arts, ou encore de répondre au mieux aux demandes et aux préférences du public. Pour comprendre cela, nous allons devoir revenir à la nature même d'une œuvre d'art réussie.
1. Qu'est ce qu'une œuvre d'art réussie ?
Le caractère réussi d'une œuvre d'art est-il quelque chose de subjectif, dépendant uniquement de l'appréciation individuelle ? Ou existe-il des critères permettant de déterminer objectivement (universellement) ce qu'est une œuvre d'art réussie ? Supposons que l'on accepte le postulat sur le caractère subjectif du succès d'une œuvre d'art. Dans ce cas il semble qu'il n'existe aucune « autorité », politique ou artistique, qui soit compétente pour déterminer ce que l'argent des individus devrait financer en matière de créations artistiques. Il apparaît évident que, dans ce cas, il ne reste plus qu'à laisser chacun financer les artistes et les créations artistiques qu'il apprécie en fonction de ses goûts et de ses préférences propres. Donc, si l'on accepte le caractère subjectif du succès (de l'excellence) d'une œuvre d'art, alors le débat sur le subventionnement des arts s'arrête ici puisqu'on se retrouve sans justification valable en faveur de ce dernier.
Mais n'y a-t-il pas des critères pour évaluer les œuvres d'art ? Après tout, il existe des critiques d'art et des écoles d'art qui doivent bien se fonder sur quelque chose dans leur travail quotidien. Un critère probable réside dans la capacité artistique à innover et à faire preuve d'originalité. En effet, il semble inintéressant pour n'importe qui d'observer des œuvres d'art identiques ou s'inscrivant dans des schémas de création similaires (par exemple un énième monochrome rouge n'est pas original de nos jours, mais le premier monochrome incarne une véritable innovation et présente donc un intérêt certain). Un second critère se trouve probablement dans une aptitude à faire preuve de rigueur et de cohérence. Généralement, un artiste qui fait n'importe quoi ne produira pas une œuvre d'art très intéressante (par contre si sa démarche est de faire n'importe quoi pour voir ce que cela va donner cela peut présenter un certain intérêt, mais alors il y a une certaine rigueur et cohérence dans sa démarche artistique).
2. Qui peut déterminer le caractère réussi d'une œuvre d'art ?
Il y a donc probablement au moins deux critères pour nous permettre d'évaluer la qualité d'une œuvre d'art. Mais qui donc est capable d'évaluer une œuvre d'art ou un projet de création artistique en appliquant ces critères dans un domaine particulier des arts ? L'autorité politique ? Les critiques d'art ? Le grand public ?
Il n'y a aucune raison de penser qu'un politicien élu ait a priori des compétences ou des connaissances particulièrement fournies ou développées dans un domaine de l'art. Par conséquent, il n'y a aucune raison pour que des politiciens soient en charge de redistribuer de l'argent des individus à certains artistes ou à certains projets artistiques car ils n'ont pas la compétence nécessaire à cela (et l'admettre n'est pas se rabaisser mais faire preuve de sagesse et d'humilité).
On pourrait alors penser qu'une autre option consisterait pour les politiciens élus à sélectionner des experts, des critiques d'art, pour que ces derniers se chargent de déterminer quels artistes doivent recevoir de l'argent des individus. Mais une telle option ne fait que déplacer le problème sans en changer la nature : il n'y a aucune raison de penser qu'un politicien élu ait a priori des compétences pour déterminer qui sont les experts les plus compétents dans un domaine particulier des arts.
En conséquence, il semble que le subventionnement étatique ne se heurte à un problème d'incompétence, ou d'absence des compétences suffisantes de la part de l'autorité politique.
L'alternative consiste à faire confiance dans le libre choix des individus, dans la libre expression des goûts et des préférences individuelles, et dans la libre-concurrence sur le marché des arts. Un marché libre des arts mettrait en concurrence l'ensemble des acteurs du monde artistique, y compris les critiques d'art, qui seraient obligés d'être les plus compétentes possibles et les plus fiables possibles pour guider les consommateurs. Les artistes médiocres devraient s'améliorer ou se reconvertir, les consommateurs trouveraient plus facilement une offre répondant à leurs demandes, et les artistes en disgrâce politique ne serait pas privé de débouchés. En conclusion, je ne peux qu'inviter les élus à cesser tout subventionnement des arts, puisque celui-ci ne repose sur aucune justification valable.
Cet article a été publié dans le numéro de printemps du Jeune Genevois, journal des Jeunes Libéraux-Radicaux Genevois.